Un vendredi outre-Atlantique

Je suis rentrée plus que tard jeudi, je ne me suis glissée dans mon lit king-size que vers 06h du matin. Normalement, demain, je dois rencontrer une habitante de la ville, contactée par le même site communautaire, entre 14h30 et 17h. Je me réveille un peu tardivement. Elle a laissé un message, que m'a transmis Dem., elle est disponible à 14h30 finalement, je dois la rappeler pour confirmer. Nous communiquons en anglais, c'est une anglophone. Rendez-vous pris dans le lobby de l'hôtel dans environ une demi-heure, je dois filer dans la salle de bain. Ma salle de bain à moi, mouahaha. Je serais bien entendu un peu en retard, qui me connait ne s'en étonnera pas plus que cela. Jenn est plus petite que moi, brune, souriante, d'origine asiatique et étudiante. Elle me demande ce que j'ai envie de faire. Je viens d'arriver, je repars bientôt, je lui laisse le champ libre pour décider. Un peu de lèche-vitrine, de tourisme visuel, tout me va. Nous partons en direction du Quartier Latin, mais rue Saint Laurent aujourd'hui. Les rues sont larges, mais les boutiques au rez-de-chaussée des habitations sont la plupart du temps petites, chacune avec sa personnalité. Nous regardons surtout les vitrines, pénétrons dans peu d'endroits. Les friperies sont intéressantes, mais chères. Un magasin gothique, Cruella, rempli de vêtements qui seraient très bien dans mes placards. Je tourne plus dans celui-là, j'aimerais trouver quelque chose à acheter ici, je le confesse. J'en profite aussi pour vérifier - une bonne fois pour toute espèré-je - ma pointure américaine. Si je suis totalement honnête, je dois préciser que sur le chemin, je nous ai fait arrêter dans une boutique kitschissime de gadgets asiatiques et de jouets du même acabit. Je suis ressortie avec une statue de Ganesh "peinte à la main" (c'est écrit, alors c'est vrai, non ?), Jenn a failli craquer pour une peluche dinosaure rose faisant office de radio, elle va y réfléchir.

A 17h, elle doit s'éclipser, elle a un rendez-vous ailleurs avec des amis. Nous n'avons pas réellement "cliqué", mais l'après-midi était légère et agréable. Je continue mon périple dans les environs, sous deux ou trois flocons de neige, et je reprends la direction de l'hôtel. J'ai reçu un sms de Dem., qui me signale qu'il est de retour, mais va bientôt repartir, j'essaie donc de ne pas le manquer.

Il est temps de vérifier mes messages sur le net. Est-ce que quelqu'un m'a répondu pour ce soir, ou vais-je devoir partir à l'attaque des bars toute seule ? Beaucoup de personnes ne sont pas là visiblement. Mais mais mais, une requête envoyée peu de temps auparavant revient avec une réponse positive. J'ai donc rendez-vous pour dans une heure avec un jeune homme et ses amis, dans l'un des bars qui se trouve sur la liste que l'on m'a fournie avant mon départ de France, il portera un T-shirt Ramones. C'est un excellent début, pense le chat en son for(t) intérieur. Je n'ai pas son téléphone, s'il est déjà parti, pas encore arrivé, ou dieu sait quoi d'autre, je devrais me débrouiller toute seule. Je change finalement un peu d'euros, et je m'arrête dans le restaurant libanais pas très loin de mon point de chute. Houmous, falafel, pitta, taboulé aux herbes, salade de poivrons, feuille de vigne, etc., soit une grande assiette végétarienne pour 8.26$ C. TTC. Proche du bonheur, simplement. Je continue ma route le ventre plein, et je trouve le Rockette où ils doivent déjà être, juste à côté de l'Escogriffe que je cherchais hier.

Le lieu est plaisant, son seul inconvénient réside en une musique trop forte pour prétendre au titre de musique d'ambiance. Assez ennuyeux d'avoir à parler directement dans l'oreille de son interlocuteur. Mais bien pire de ne pas comprendre de quoi les autres autour de vous peuvent bien discuter, avec l'aide de l'accent québécois. Mon "hôte" part dans quatre jours à l'aventure en Amérique Centrale, sans calendrier précis. Je tombe donc bien. Mardi est aussi le jour prévu pour une tempête de neige, la question est donc de savoir s'il pourra finalement décoller. Et moi qui cherche la neige et qui ne la trouve décidément pas, ni ailleurs (la Suisse) ni même ici. Désespérant, non ? Si le niveau sonore est un peu pénible pour mes oreilles, le contenu est par contre délicieux. Un sans faute. Des conneries des années 80, du rock, de l'alternatif de ces trois dernières décennies, je suis aux anges. Les pichets de bière coulent à flot, chacun paie sa tournée à tour de rôle. Je n'ai pas vérifié ma monnaie, il me semble que ce doit être 14$ C. les 1.5L. Plus que convenable. Si ses amis ne me parlaient que très peu au départ, voire pas du tout, l'atmosphère s'est détendue peu à peu, à mon grand soulagement. Je n'ai donc pas de pomme de terre collée sur la joue, ou pire encore. La soirée se poursuit donc tranquillement, des gens partent de la table et rentrent chez eux, d'autres arrivent et passent dire bonjour, s'attardent un peu ou beaucoup.
A 3h, fermeture officielle de tous les lieux de débauche sur Montréal, je quitte les lieux un peu avant, en saluant bien bas toute la tablée. Encore une victoire de Canard, elle a réussi à partir avant les douze coups de minuit, alors que normalement non. Elle est fière d'elle, y'a pas à dire. Elle va donc se perde pour la peine dans le snack restaurant asiatique sur le trottoir d'en face, où elle mangera abondamment, deux fois, pour rien (c'est une image, hein ?). L'heure de rentrer, couchage à 4h, légèrement envapeurée de houblon.

Tout va bien, bien, bien.

You will never be happy if you continue to search for what happiness consists of. You will never live if you are looking for the meaning of life.
~ Albert Camus

(à suivre)
Prochain épisode : où la narratrice continue à tournicoter dans le Quartier Latin, mange comme une Tibétaine, et rigole comme une bossue avec la copine à Jean-Claude