Le matin, c'est pas bien
Retour de promenade matinale avec La Truffe. Il fait noir, il fait froid, il fait même du brouillard. Ma peur absolue de l'année dernière est en train de se réaliser : je vais passer un autre hiver ici. J'étais tellement sûre que quelque chose se passerait en août, qui verrait son réglement définitif en novembre. Il est 06h56, j'ai commencé à écrire à 06h51. D. est parti d'ici un peu après 06h15. Une place vide au bout de la rue, sûrement là où il était garé. Tiens, une autre juste au coin. Peut-être là, finalement ? Non, les Suisses sont sensés être précis, et il avait mentionné le bout de la rue. Vide. J'aimerais être vide. Enfin pleine de sable, de paille, de ciment. De quelque chose qui n'est rien. Je suis pleine de doutes, de peurs, de culpabilité, de microbes aussi depuis 24h, merci au temps lamentable d'HellCity, merci à mes défenses immunitaires minables. Je vois de l'affection très claire dans le regard de D. Je vois plus que de l'affection en fait. Quand je suis avec lui, je suis ailleurs, le plus souvent, et je crois que cela rend ma vie un peu plus supportable. Le retour à la normale est par contre douloureux. Cette fois-ci dans ma vie, j'ai choisi pour une fois d'avoir du haut et du bas, le bas n'en est que plus laid. Est-ce que ma méthode habituelle - tout tiède - n'est pas meilleure ? Au moins elle occasionne moins de souffrance.
Je n'ai pas l'impression que j'aurais du refuser ces moments, cette histoire, puisque je peux l'appeler comme cela maintenant. J'en ai besoin, il a toujours été clair je pense avec B. que cela risquait fortement d'arriver à cause du manque de précédent chez moi (mais de la théorie à la pratique, il y a un gouffre). Mais je le fais souffrir. Et je pense que D. souffre aussi de la présence même pas fantômatique de B. Et ce que je leur fais subir me torture. Tout le monde a quasiment toutes les données en main (ce n'est pas non plus une expérience de physique nucléaire, bonjour le CERN), les a eues depuis le début. Il n'empêche.
Est-ce que je voudrais être loin d'ici ? Oui, là c'est au moins une réponse ferme et définitive. Où ? Avec qui ? Pour combien de temps ? Beaucoup plus compliqué.
Nous vivons dans un monde où il faut attendre que le sucre fonde.
~ Henri Bergson